
Ce soir j’ai pleuré
Ce soir j’ai pleuré parce que tu t’es endormi tout seul.
Tu m’as regardée avec tes grands yeux bleus en voulant dire ; c’est pas si pire maman si je ne bois pas de ton lait ce soir…
J’ai pleuré parce que moi je sais que le lait de mes seins, je ne t’en donnerai plus. Il parait qu’après deux ou trois jours, y’aura plus rien. Niete, allez hop ! dans la pampa, de l’histoire ancienne, un souvenir résolu.
C’est pas une histoire de lait, c’est notre histoire de petits moments à nous deux qui va changer, qui va se transformer.
J’ai pleuré parce que je sais que je continuais à te nourrir pour que tu restes petit. Pour essayer d’arrêter le temps qui finit toujours par nous rattraper, ce temps qui finalement n’existe pas.
D’un coup t’es rendu grand.
J’ai pleuré même si je savais que toi et moi, l’allaitement ça ne pouvait plus durer. Faut que je parte pour Montréal dans 2 dodos, sans toi. Pis les nuits c’est rendu trop compliqué, avec toi qui me commande trop souvent depuis la pénombre.
T’as un peu plus d’un an et demi.
Aujourd’hui on m’a dit: T’as été bonne Caro. J’avais envie de répondre: c’est la vie qui a été bonne avec moi…
Merci de m’avoir offert autant de tendresse. Merci d’avoir aimé que je te nourrisse aussi longtemps. Je sais bien que notre relation n’est pas finie, notre entente, elle ne fait que commencer. C’est juste que ce soir, je comprends que ma série de deuil est ouverte. Des premières fois y’en aura souvent à partir de maintenant, c’est juste que quand tu vis dans le moment présent; tu pleures.
T’étais tellement grand dans ta petitesse, dans ton lit. T’as pas fait d’histoire avec ce qui s’est passé avant de t’endormir. Même si depuis 632 jours, tu t’endors au sein. T’as même trouvé le moyen de rire un peu, en goûtant ce lait de soya que je t’ai choisi devant cette allée remplie de wanabe lait.
Maman va n’en revenir. Mais j’en reviendrai jamais de toi. Peut-être pas de mes seins emportés par le souffle de l’Harmattan, mais ça, c’est une autre histoire…
Je vais célébrer notre vie quand le sommeil m’emportera moi aussi. Et demain on va essayer de faire de notre mieux, pis de continuer à se coller, sans que cette fois tu tires sur mon gilet en fredonnant : lait lait, avec ta petite voix bien à toi.
Merci mon trésor. Merci la vie. Merci à toutes ces petites choses qui font qu’on avance, qu’on pleure, pis qu’on rit.
Bonne nuit.
Caroline xx
Crédit photo: Jani Fortin. Fourteen Création